L’éclipse

Une fois dans sa chambre, la fillette se mit en quête d’une source de lumière. Peut être qu’allumer sa lampe lui permettrait de voir. Elle chercha sa table de nuit, et lorsqu’elle eut trouvé sa lampe de chevet, elle l’alluma. Mais rien ne se passa. Elle n’y voyait toujours rien, et les bruits ne tardèrent pas à revenir. Elle s’était sentie plus en sécurité une fois protégée par les murs de sa maison, mais les créatures étaient parvenues à entrer. Elle entendit les marches grincer. Son cœur commença à s’emballer dans sa poitrine. Elle se mit alors à chercher désespérément quelque chose qui pourrait lui servir d’arme contre ces monstres. Mais même lorsqu’elle eut trouvé son coffre à jouet, rien de ce qu’il contenait n’aurait pu lui servir à se défendre.

Elle se souvint alors que sa mère avait dans son armoire un costume de clown, qu’elle avait porté lors d’une soirée déguisée avec des amis. Cette tenue contenait comme accessoire un énorme marteau en bois, décoré aux couleurs du cirque, rouge, jaune et bleu. Eli entreprit alors d’aller chercher ce marteau, qui lui servirait de défense. Elle prit son bouclier de chevalier en plastique dans le coffre à jouet qu’elle venait de fouiller, puis partit en direction de la chambre de sa mère en suivant les gommettes en relief qu’elle avait collé plus tôt. Une fois dans le couloir, les sons s’intensifièrent. Des râles et des bruits de pas se faisaient entendre dans toute la maison. Proche d’elle, la jeune fille entendit respirer. Puis murmurer. Elle ne comprit pas ce qui lui avait été chuchoté mais elle aurait parié que c’était menaçant. 

Eli continua sa route, en prêtant le moins possible attention à ce qui l’entourait. Elle arriva enfin dans la chambre de sa mère, qui se trouvait désormais à la place du salon, en bas des escaliers tous tordus que la fillette avait d’ailleurs eut bien du mal à descendre. Reconnaissant la gommette en forme de fleur qu’elle avait placée, indiquant la chambre de sa mère, elle se mit à courir. Mais sur sa route se trouvait une créature. Elle le sentit grâce au changement de température qui l’annonça. La bête essaya de l’attraper mais ne parvint qu’à entailler son épaule profondément. Elisabeth poussa un cri de douleur, mais continua à avancer. Cela avait simplement renforcé son idée que se défendre était la meilleure solution.

Arrivée dans la pièce, elle ferma la porte derrière elle, ne sachant pas si cela retiendrait la créature assez longtemps ou même si d’autres se trouvaient déjà dans la chambre. Ne prenant pas le temps d’y réfléchir plus longuement, elle s’empressa de trouver l’armoire, habituellement placée en face du lit de Sabrina, mais ici, sûrement à une autre place.

En effet, l’armoire se trouva être à côté de la porte, sur le mur de gauche en entrant. Eli l’ouvrit, fouilla dedans en touchant tout ce qu’elle en sortait afin de trouver le marteau. Mais rien. Vidant tout le meuble à ses pieds, la fillette sentit bientôt le bois froid sous ses doigts. Elle avait tout sorti, mais aucune trace du marteau.

Lorsqu’elle rassembla ses souvenirs sur l’emplacement approximatif de cet objet, elle se rappela que les costumes, ainsi que les décorations de Noël se trouvaient au grenier. On ne pouvait y accéder que par une trappe dans le plafond de l’étage, qu’on devait ouvrir à l’aide de l’échelle du garage. Cela l’obligeait à faire le tour de la maison, et cette idée déplaisante la fit frissonner de terreur. Il fallait qu’elle atteigne le garage, chemin sur lequel elle n’avait évidemment pas placé de gommettes, ne pensant pas avoir besoin d’y aller. 

Heureusement, elle se souvenait des murs qu’elle avait parcouru et se rappela d’une porte sur le côté de la cuisine, qu’elle avait ouverte mais pas marquée. L’odeur qui s’en dégageait, un mélange d’essence et de poussière, ne pouvait provenir que du garage.

Eli se mit alors en quête de cette pièce. La jeune fille entrouvrit la porte et écouta. Aucun son ne provenait de l’extérieur de la chambre. Eli ouvrit lentement la porte et se glissa discrètement en dehors de la chambre. Avançant tout droit, elle tomba finalement sur le frigo de la cuisine. Elle se rappela que la porte du garage était calée juste derrière, dans l’embrasure du mur.

ELi s’y engouffra, ne rencontrant cette fois-ci aucun monstre sur son passage, bien que les bruits aient continué. 

Une fois dans la pièce froide, encore plus que toutes les autres pièces de la maison, elle inspira un grand coup et commença à chercher l’échelle. L’endroit était plein d’objets dangereux en tout genre et trouver l’escabeau, qui pouvait être n’importe où étant donné le labyrinthe qu’était devenu la maison, serait difficile. Mais Eli ne se découragea pas. Du bout des doigts elle longea les murs, mais une fois revenue à son point de départ, elle n’était pas plus avancée. Elle se demandait ce que la maison avait bien pu faire de cet outil si imposant. Quand soudain, alors que la fillette avançait vers le centre de la pièce, qui ne faisait plus la même forme soit dit en passant, elle tomba sur un objet froid et haut : l’échelle.

Elisabeth tenta de la replier tant bien que mal avant de se souvenir comment faire grâce aux explications de sa mère le mois dernier, lorsqu’elle avait voulu l’aider à changer une ampoule.

L’échelle dans les bras, la jeune fille se dirigea vers l’étage, à l’emplacement approximatif où aurait dû se trouver la trappe menant au grenier. Elle installa prudemment l’objet métallique et grimpa. Une fois à la bonne distance du sol, elle tâta le plafond à la recherche d’un relief sur ce dernier. 

Lorsqu’elle l’eut trouvé, à sa grande surprise puisque l’entrée était à peu près au même endroit qu’habituellement, elle la poussa vers le haut, et réussit à l’ouvrir du premier coup, chose rare également. Une fois dans les combles, elle chercha les cartons pouvant contenir des costumes ou autres accessoires. Après de longues minutes de recherches, elle finit par trouver ce qu’elle cherchait : le marteau du costume de clown de sa mère. Eli le prit avec elle et descendit au premier étage, par là où elle était grimpée.

Les bruits, s’intensifiaient au fur et à mesure qu’elle passait du temps dans cet endroit.

Mais maintenant, elle n’avait plus peur. Elle avait de quoi se défendre. Mais la fatigue qui commençait à l’envahir ne la rassurait pas. Elle ne pouvait pas dormir ici avec ces créatures qui rôdaient.

Tout à coup, une créature se jetta sur elle et la fit tomber. Elisabeth ramassa le plus rapidement possible son marteau et tapa dans le vide aussi fort qu’elle le pouvait.

Cependant, un coup violent à la tête lui fit perdre connaissance.

La fillette se réveilla au milieu de sa cuisine. Elle pouvait le savoir puisqu’elle avait retrouvé la vue. Les monstres étaient partis et elle entendait même sa mère à l’étage en train de se préparer.

Lorsque Sabrina descendit et vit sa fille, encore sonnée, assise par terre dans la cuisine, elle réprima un cri. 

  • Eli ! Ça va mon ange ?
  • Je ne sais pas trop maman.

Elisabeth lui raconta alors tout ce qu’elle venait de vivre et sa mère l’écouta jusqu’au bout, sans la couper une seule fois.

Lorsqu’elle eut fini, la fillette tourna sa tête vers elle, afin de voir sa réaction. Mais ce qu’elle vit l’horrifia.

Sa mère avait un sourire démoniaque qui fit ressentir une terreur si grande à Eli qu’elle fondit en larmes.

La bouche tordue de sa mère lui dit alors : 

  • Je sais déjà tout cela…
  • Hein ? Bégaya Eli.

Comme seule réponse, L’espèce de monstre qu’était devenu Sabrina, complètement déformée, éteignit la lumière d’un claquement de doigts.

La jeune fille se retrouva une fois de plus dans le noir le plus total, entourée de bruits étranges et les pieds dans l’eau.

Au loin résonnait le rire diabolique de la créature qu’était devenue sa mère.

Elisabeth était de nouveau prise au piège. Mais cette fois-ci, certaine d’être éveillée.

Puis elle entendit des bruits de pas, un rire. Et ce fut la dernière chose qu’elle put entendre avant qu’un doigt crochu s’enfonce dans sa blessure à l’épaule, ce qui lui arracha un hurlement de douleur. La souffrance était telle qu’elle tomba par terre en pleurant.
Le doigt se retira, dans un ricanement terrifiant de Sabrina.

Puis des bruits de pas, et plus rien. Elisabeth, encore sous le choc de ce qui venait de lui arriver, tenta de se relever, tremblante. Tenir sur ses jambes était inimaginable et elle se laissa retomber sur le sol. Ce ne pouvait pas être réel. Sa mère, ou plutôt ce monstre qui avait pris sa forme…


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